Être de droite : un tabou romand

Publié le par Bender

La bataille des mots

Le combat politique ne se réduit pas à la comparaison policée des idées et des projets. La bataille des mots y revêt une importance primordiale. A ce propos, il est frappant de constater que, dans le discours politique, certains termes très connotés semblent dispenser d’argumentation rationnelle ceux qui les utilisent. Ainsi, le qualificatif « néo-libéral ». Il suffit, lors d’un débat, de le jeter à la face de l’adversaire pour qu’il soit aussitôt accablé de tous les péchés du monde. L’accusation se suffit à elle-même, elle n’a besoin ni de démonstration ni de développement. Car un « néo-libéral » ne peut être, par définition, qu’un méchant, un « salaud » dirait Jean Ziegler, une personne insensible au malheur de son prochain. Pour la plupart des Socialistes, les Radicaux suisses sont des « néo-libéraux ». Tout au plus, quelques Radicaux romands trouvent grâce à leurs yeux ! Oui, le Radical romand, qui vote sur les grands thèmes avec la Gauche, conserve quelque chance de s’en tirer devant le tribunal de la vertu civique, où siègent des censeurs patentés et autoproclamés. Et si son soutien aux « forces du progrès » est constant, il décroche même la mention très honorable de Radical humaniste. Un Radical, qui serait tout bonnement de droite, comme un Socialiste l’est de gauche, court, lui, le risque d’être montré du doigt, tenu à l’écart, confiné dans son égoïsme de classe et sa ringardise. Car il n’est pas un acteur de l’Histoire qui se fait !

Eric Burnet, journaliste à France 3, vient de publier un ouvrage décapant sur ce thème: « Être de droite, un tabou français ». Ce livre aurait pu être écrit par une plume romande, tant l’influence française y est forte. A preuve, chaque fois que je débats avec un Socialiste de la politique des assurances ou de la santé, je me vois accusé, en tant que Radical, de participer au « démantèlement social » de la Suisse. J’ai beau rétorquer que, ces quinze dernières années, les dépenses sociales ont sensiblement augmenté, que la quote-part de l’Etat a crû, tout comme l’endettement d’ailleurs. Rien n’y fait. Être de droite vous disqualifie, vous ne pouvez comprendre les soucis du peuple et défendre les petites gens ! Le social, c’est l’affaire exclusive de la Gauche, le pain quotidien des syndicats ! Et ce n’est pas Ségolène Royal qui nous viendra en aide, qui déclare dans « Les Echos »: « La droite, c’est l’autoritarisme, l’injustice et le désordre qui en résulte. ». Rien que cela ! Elle aurait pu être plus méprisante et plus médisante, à la Maillard, à la Vanek ou à la Zisyadis, mais peut-être que, dans la perspective des prochaines élections présidentielles, s’est-elle autocensurée.

En tout état de cause, ne dramatisons pas. Si certains journalistes ne tiennent pas la droite en odeur de sainteté, ce n’est pas si grave. Car si les médias faisaient seuls l’opinion, cela se saurait. Voyez, par exemple, l’effet Leuthard. Ce dernier week-end, le PDC a perdu cinq sièges au Parlement des Grisons. Une défaite si forte qu’on a cru, un instant, qu’il s’agissait du parti radical ! Et bien non, notre parti a gagné quatre sièges, devenant même le deuxième parti du canton. Je parie que, dans quelques semaines, ce souvenir sera effacé de certaines mémoires sélectives, et que l’on continuera à nous bassiner les oreilles avec le « déclin » radical !

Léonard Bender

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