Les partis politiques : permanences et mutations

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Les partis politiques suisses : permanences et mutations
 
Tel était le titre du Colloque international organisé à Bellinzone, au Palazzo Franscini, les 30 novembre et 1er décembre 2007. L’Observatoire de la vie politique, animé par M. Oscar Mazzoleni, a eu la bonne idée d’inviter, outre de prestigieux scientifiques, des délégués des cinq principaux partis suisses. J’y représentais la mouvance libérale et radicale. Au centre des débats : le thème de la concordance. Une discussion tout à fait actuelle, en prévision notamment des élections du 12 décembre à l’Assemblée fédérale. Ce jour-là, il lui incombera de désigner les sept membres du Gouvernement, de pourvoir la Chancellerie fédérale et enfin, de nommer, pour l’année 2008, le président de la Confédération et le vice-président du Conseil fédéral.
 
Le débat entre les représentants des partis nationaux a porté sur l’avenir de la concordance, mise à mal par la polarisation de la politique fédérale. Des intervenants ont même envisagé sa disparition, sous sa forme actuelle, au profit d’un système de majorité et d’opposition. Le Gouvernement étant confié à un groupement de partis, signataires d’un programme de législature et coalisés, présentant une liste commune à l’aval du Parlement. Alors qu’aujourd’hui les Conseillers fédéraux doivent, individuellement, réunir une majorité parlementaire sur leur nom.
On peut afficher son scepticisme envers ce nouveau modèle, pour trois raisons.
Premièrement, dans notre système de démocratie directe, le peuple a le dernier mot. C’est pour cela qu’il apparaît sage d’associer au Gouvernement les principales forces politiques. De cette manière, on peut espérer que les décisions prises par leurs représentants aient une chance de passer le cap populaire. Dans ce sens, exclure le PS ou l’UDC, par exemple, ne se révèlerait ni opportun ni cohérent.
Deuxièmement, dans notre pays, tout est lié. Si vous supprimez la concordance politique, vous écornez la paix de travail, et, partant, la cohésion nationale. La stabilité de la Suisse repose sur de savants équilibres. Jeter aux orties le consensus politique, c’est ébranler tout le système, sans garantie que les nouvelles règles se montrent efficaces et durables.
Troisièmement, dans notre pays, le pouvoir est dilué à l’extrême : il appartient à des acteurs et des cercles nombreux et éparpillés. Ainsi, les élections fédérales seront suivies d’élections cantonales qui ne se dérouleront pas toutes en même temps, loin s’en faut. Cela permettra, le cas échéant, d’atténuer et de corriger des mouvements de balanciers trop marqués. Enfin, la règle du tournus, à la tête du Conseil fédéral et de la quasi-totalité des exécutifs cantonaux, prévient le risque du pouvoir personnel. A ce propos, on est frappé par l’extraordinaire stabilité des rapports de force globaux en Suisse. Grosso modo, les partis bourgeois récoltent plus de 60 % des voix alors que le camp rose-vert n’en recueille qu’à peine 30 %. Telle est la situation depuis 35 ans. Mais cela ne veut pas dire qu’à l’intérieur des deux pôles rien ne bouge. Au contraire, les quatre dernières élections fédérales ont entraîné une forte recomposition à droite, au profit de l’UDC, et un réajustement à gauche, au bénéfice des Verts. La stabilité est encore de mise au Conseil fédéral. D’une certaine manière, ce dernier est le même depuis 160 ans, il n’a été modifié en profondeur qu’à de rares occasions. 
 
Le Colloque de Bellinzone a montré que l’étude des partis politiques suscitait un intérêt croisant de la communauté scientifique dans notre pays. Il est vrai que les partis politiques « contribuent à former l’opinion et la volonté populaires », pour reprendre la formulation de l’article 137 de la nouvelle Constitution fédérale. Mettre en relation des spécialistes avec des acteurs de la vie politique, dans un cadre magnifique de surcroît et ouvert au public, contribue à valoriser la démocratie. D’autant que des observations pertinentes ont été formulées, en particulier, sur l’évolution des partis, sur les faiblesses des uns et les atouts des autres, et sur les défis auxquels ils sont tous confrontés. Dommage seulement que le séminaire ne fût pas mis sur pied avant les élections fédérales d’octobre, nous aurions pu, nous Libéraux et Radicaux, éviter quelques pertes ci et là !
 
Léonard Bender
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